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Innovation : comment faire mieux avec moins ?

Faire mieux avec moins, c’est la question que se posent aujourd’hui tous les acteurs du transport public. Faire mieux avec moins de moyens financiers, mais aussi avec moins de ressources naturelles, moins d'énergie, moins d'émissions de carbone. C’est un objectif à la fois impératif et très ambitieux.

[Tribune] Annelise Avril - Directrice Générale France, Grands Réseaux Urbains - Groupe Keolis

Chez Keolis, pour résoudre cette équation, on a pris le parti de « l’innovation frugale », qui vise à trouver les solutions les plus simples et les plus efficaces possibles, en déployant un minimum de moyens. Nous avons passé en revue nos modes opératoires, le comportement de nos clients, nos organisations ... à la recherche d’une optimisation qui nécessiterait peu ou pas d’investissements. Et on a trouvé !

 

Nous nous sommes d’abord penchés sur la problématique des heures de pointe. Comment améliorer le confort de nos passagers lors des périodes de grande affluence sans accroître nos capacités de transport ? Sans augmenter nos fréquences ou ajouter une rame de métro ou de tramway ? Pour trouver une autre solution, nous avons cherché autrement, non plus du côté de l’offre, mais de la demande. Par exemple, à Bordeaux, où le tramway est un peu victime de son succès, avec des phénomènes de saturation aux heures de pointes. On a constaté qu'un tiers des voyageurs prenait le tram pour une, deux ou trois stations maximum. Donc des trajets qui, pour certains usagers, pourraient être raisonnablement faits à pied.

Alléger la demande aux heures de pointe

C’est un peu contre-intuitif pour un opérateur de services de mobilité, mais nous avons décidé d’inciter une partie de ces voyageurs à marcher ! Des affiches dans les stations les invitent à marcher entre deux stations, en soulignant le bénéfice pour leur santé. A Dijon, pour renforcer le caractère incitatif de notre démarche, nous avons travaillé avec des spécialistes en neurosciences. Nous avons ajouté, tout au long de l’itinéraire, des messages afin d’accompagner les personnes dans leur trajet à pied. Résultat : à Dijon, en 2024, 16 % des voyageurs ont préféré la marche au tramway le long du Boulevard de la Trémouille. Cela nous a permis de retrouver de la capacité et du confort aux heures de pointe, sans avoir à acquérir de nouveaux matériels roulants. 

Autre sujet, toujours du côté de la demande : son étalement. A Rennes, nous étions confrontés à des phénomènes d'hyper pointe sur le métro le matin, entre 7h40 et 8h, avant les premiers cours, tous fixés à la même heure. Nous avons alors travaillé avec le Bureau des Temps de la Métropole et l’Université afin d’étaler le début des cours. Sur la ligne A, qui dessert l'université de Rennes 2, grâce à cet étalement - de 8h00 à 8h30, nous avons réussi à lisser la pointe, avec une baisse de 14 % de l’affluence sur ces créneaux. Cette rentrée, nous avons reproduit l’opération sur la ligne B, avec quatre établissements du secondaire. 

Allonger la durée de vie de nos matériels roulants

Dans ces exemples, nous avons évité, ou retardé, des investissements lourds en matériel roulant, grâce à des changements de comportements. Parfois, un peu d’innovation technique et d’investissement s’avèrent néanmoins nécessaires. Par exemple, à Dijon, la station de tramway de Gare Foch dessert deux lignes. Nous avons rallongé la longueur du quai afin que les rames de chacune de ces lignes puissent s’arrêter simultanément et nous avons simplifié la signalisation. En agissant aussi en quatre autre points du réseau, la fréquence de passage sur la ligne 1 a augmenté de 20 %, sans avoir à ajouter de matériel roulant, donc avec une économie substantielle par rapport à ce qu’aurait nécessité des rames supplémentaires. 

Toujours pour « faire mieux avec moins », nous avons examiné la question du vieillissement des rames de tramway, prévues pour fonctionner 30 ans. L’échéance approchant dans de nombreuses grandes villes en France, nous testons une solution alternative, avec un partenaire à Clermont-Ferrand : une rénovation d’ampleur qui va permettre de prolonger de 10 ans la durée de vie des rames de Bordeaux. L’économie est majeure : au moins 500 000 euros par rame, soit plus de 30 millions d’euros de coût évité pour les 62 rames de Bordeaux. 

Améliorer le bien-être de nos conducteurs

Dans cet esprit, nous nous sommes également tournés vers nos collaborateurs. Par exemple, pour les inciter à adopter les réflexes de l’écoconduite, qui permet 10 % d'économie d'énergie avec un bus thermique et jusqu’à 20% avec un bus électrique. Nous avons conçu une appli qui permet d’organiser des challenges entre conducteurs. Elle reçoit directement les données des véhicules sur l'intensité des freinages, les accélérations etc. Les conducteurs se prennent au jeu. Ils modifient leur conduite, améliorant au passage le confort des passagers en évitant les à-coups. 

Autre sujet majeur : l’absentéisme. Afin d’aider nos conducteurs à concilier les plannings très exigeants de nos métiers (services très tôt le matin, le week-end et les jours fériés) et leur vie personnelle, nous avons développé une solution : unn algorithme qui prend en compte leurs préférences pour élaborer les plannings. A Dijon, près de 85% de leurs premiers et deuxièmes souhaits sont satisfaits dans les plannings qui sont produits.

En réfléchissant autrement, avec nos partenaires, nous sommes persuadés qu’on peut encore trouver d’autres solutions, faire d’autres économies et continuer à améliorer nos opérations au service de la mobilité de tous dans les territoires. 

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